Arthur Rimbaud est né le 20 octobre 1854 à Charleville.
Il vit une enfance misérable entouré de sa maman Vitalie, son frère aîné et ses trois soeurs. Au collège, sa scolarité exceptionnelle démontre une prodigieuse précocité : il collectionne tous les prix d’excellence, en littérature, version, thème, et rédige avec virtuosité en latin des poèmes, des élégies, des dialogues.
Entre août 1870 et septembre 1871, plusieurs fugues le conduisent à Paris. Son poème Le Bateau ivre (1871) rencontrera un franc succès auprès des « Vilains Bonshommes ». Il sera successivement hébergé chez plusieurs poètes : Paul Verlaine, Charles Cros, André Gill, Théodore de Banville…
Je dérègle mes sens et j’affûte ma schizo
Vous est un autre je et j’aime jouer mélo
De sa tumultueuse relation avec Verlaine – ponctuée de saouleries, ruptures, coups de couteau, réconciliations, coups de feu – il accouchera dans la douleur de deux œuvres majeures : Une saison en enfer (1873) et Illuminations (1873-1875). Son obsessionnelle volonté de gagner sa vie le conduit alors à courir le monde et à renoncer à la poésie.
Atteint de fièvre typhoïde en 1879, il rentre en France avant de retourner à Chypre puis au Yémen et enfin Harar en Ethiopie, où commence pour lui une nouvelle carrière dans le commerce de l’ivoire et de peaux. Il contracte la syphilis en 1881.
En 1883 et 1884, Verlaine publie « Les poètes maudits », sous forme de série, puis en volume. La jeune génération symboliste découvre alors l’œuvre de Rimbaud.
A partir de 1885, Rimbaud se consacre à une activité d’importation d’armes en Ethiopie, dans la région du Choa. En 1887, il traverse le désert d’Abyssinie jusqu’à Harar. Il est l’un des premiers occidentaux à parcourir cette région de la corne de l’Afrique. Après une tentative infructueuse pour monter une nouvelle affaire de vente d’armes dans les premiers mois de 1888, Rimbaud décide de revenir au négoce traditionnel.
En mai 1891, alors qu’il souffre depuis des mois d’une douleur aigüe au genou, il regagne la France pour s’y faire hospitaliser à l’Hôpital de la Conception à Marseille. Il est amputé de la jambe droite. Le cancer qui se généralise l’empêchera de regagner l’Afrique.
10 novembre 1891, dix heures du matin. Rimbaud, tout juste âgé de 37 ans, s’éteint après une longue agonie et plusieurs semaines de semi-coma.
Horreur Harar Arthur
Et pas de cresson bleu
Horreur Harar Arthur
Où la lumière pleut
Voici un sonnet qu’on nous faisait également apprendre par coeur au collège …
Ma bohème
Je m’en allais, les poings dans mes poches crevées ;
Mon paletot aussi devenait idéal :
J’allais sous le ciel, Muse ! et j’étais ton féal ;
Oh ! là là ! que d’amours splendides j’ai rêvées !
Mon unique culotte avait un large trou.
— Petit-Poucet rêveur, j’égrenais dans ma course
Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse.
— Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou
Et je les écoutais, assis au bord des routes,
Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes
De rosée à mon front, comme un vin de vigueur ;
Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,
Comme des lyres, je tirais les élastiques
De mes souliers blessés, un pied près de mon coeur !
Arthur RIMBAUD
Poésies (1870-1871)
Et puis un incontournable que l’on cache aux ados dès fois qu’ils apprécieraient son parler crû…
Oraison du soir
Je vis assis, tel qu’un ange aux mains d’un barbier,
Empoignant une chope à fortes cannelures,
L’hypogastre et le col cambrés, une Gambier
Aux dents, sous l’air gonflé d’impalpables voilures.
Tels que les excréments chauds d’un vieux colombier,
Mille Rêves en moi font de douces brûlures :
Puis par instants mon coeur triste est comme un aubier
Qu’ensanglante l’or jeune et sombre des coulures.
Puis, quand j’ai ravalé mes rêves avec soin,
Je me tourne, ayant bu trente ou quarante chopes,
Et me recueille, pour lâcher l’âcre besoin :
Doux comme le Seigneur du cèdre et des hysopes,
Je pisse vers les cieux bruns, très haut et très loin,
Avec l’assentiment des grands héliotropes.
Arthur RIMBAUD
Poésies (1870-1871)
Dans ce sonnet, Rimbaud le révolté dénonce, avec une grande sobriété, les horreurs de la guerre…
Le dormeur du val
C’est un trou de verdure où chante une rivière
Accrochant follement aux herbes des haillons
D’argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.
Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.
Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.
Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
Arthur RIMBAUD
Parmi les 22 poèmes du » Recueil Demeny » (1870)