Charles Cros est né le 1er octobre 1842 dans le village de Fabrezan.
Personnage hors du commun, autodidacte de génie, Charles Cros est à la fois attiré par la littérature et par la science. Il présente un télégraphe automatique à l’Exposition universelle de 1867, mais joue de malchances à la course aux brevets dès son entrée dans le milieu scientifique. Son procédé de photographie en couleurs (2 décembre 1867) fut ainsi attribué à Louis Ducos Du Hauron (28 novembre 1868 !). Son invention, le « paléophone » (30 avril 1877), fit la gloire de Tomas Edison et de son « phonographe » (15 janvier 1878 ! ).
En 1871, il collabore au second recueil du Parnasse contemporain avec cinquante-cinq autres poètes, dont François Coppée, Théophile Gautier, Stéphane Mallarmé, Albert Mérat, Sully Prudhomme ou Auguste Villiers de l’Isle-Adam. En octobre, il fonde le « Cercle des poètes zutiques ». On en a gardé un Album Zutique, dans lequel les participants, dont Verlaine, Rimbaud et Germain Nouveau, caricaturaient férocement les poètes parnassiens par des poèmes parodiques et des dessins.
Entre 1872 et 1885, il apparaît dans tous les groupes de bohème littéraire plus ou moins marginaux : dans le salon de Nina de Villard, chez les «phalanstériens de Montmartre», chez les poètes du Parnasse , chez les «Hydropathes» d’Émile Goudeau, au Chat-Noir, chez les zutistes, chez les «vilains bonshommes» ou au café artistique de la Nouvelle Athènes.
En 1879, il obtient un prix de l’Académie française, faible récompense pour ses travaux littéraires – seuls les surréalistes ayant vu en lui un précurseur – et touche de l’État une indemnité au titre des arts et des lettres. Cependant, sa vie de bohème, l’absinthe aidant, altère sa santé, et des années de difficultés morales, physiques et financières surviennent.
Le 9 août 1888, Charles Cros meurt inconnu et misérable, laissant non publiée la majeure partie de son œuvre. Charles Cros reste un poète isolé, n’appartenant à aucune école, ni parnassien, ni symboliste, ni décadent.
En 1947, un groupe de critiques et spécialistes de l’enregistrement sonore crée l’Académie Charles Cros, aujourd’hui composée d’une cinquantaine d’experts indépendants et bénévoles élus par leurs pairs.
Le Grand Prix du disque de l’académie Charles Cros fut décerné en 1996 à l’album «La tentation du bonheur». Hubert-Félix Thiéfaine, succède ainsi à Georges Brassens (1954), Serge Gainsbourg (1959), Jacques Higelin (1976), Léo Ferré (1984) ou Alain Bashung (1994).
Un poème (parmi tant d’autres) de Charles CROS
A LA PLUS BELLE
Nul ne l’a vue et, dans mon coeur,
Je garde sa beauté suprême ;
(Arrière tout rire moqueur !)
Et morte, je l’aime, je l’aime.
J’ai consulté tous les devins,
Ils m’ont tous dit : » C’est la plus belle ! »
Et depuis j’ai bu tous les vins
Contre la mémoire rebelle.
Oh ! ses cheveux livrés au vent !
Ses yeux, crépuscule d’automne !
Sa parole qu’encor souvent
J’entends dans la nuit monotone.
C’était la plus belle, à jamais,
Parmi les filles de la terre…
Et je l’aimais, oh ! je l’aimais
Tant, que ma bouche doit se taire.
J’ai honte de ce que je dis ;
Car nul ne saura ni la femme,
Ni l’amour, ni le paradis
Que je garde au fond de mon âme.
Que ces mots restent enfouis,
Oubliés, (l’oubliance est douce)
Comme un coffret plein de louis
Au pied du mur couvert de mousse.