GUICHET 102
(Paroles et musique : H.-F. Thiéfaine)
La nouvelle la p’tite bleue
Du guichet 102
Joue le flou dans le feu de ses yeux
Moi qui la mate un peu
Dans la fumée de ma beuh
Je me demande
Si je patauge pas dans son jeu
Sont-ce mes yeux dingues & opaques
Taillés dans du verre-cathédrale
& rouillés à la fleur de pack
Qui perdent leur vision normale
Ou bien sont-ce ses doux effluves
De petit animal pastel
Qui plongent mes rêves dans une étuve
& brûlent mes nerfs aux étincelles
La nouvelle la p’tite bleue
Du guichet 102
Joue le flou dans le feu de ses yeux
Moi qui la mate un peu
Dans la fumée de ma beuh
Je me demande
Si je patauge pas dans son jeu
Sont-ce les dernières lueurs du jour
Au rythme bleu des ambulances
Qui libèrent un appel d’amour
Dans ma tête rongée de silence
Ou bien sont-ce ses seins si frêles
Sous son zomblou de basketteuse
Son sourire de jaguar femelle
Dans l’oeil de ma débrousailleuse
La nouvelle la p’tite bleue
Du guichet 102
Joue le flou dans le feu de ses yeux
Moi qui la mate un peu
Dans la fumée de ma beuh
Je me demande
Si je patauge pas dans son jeu
Sont-ce ses nénuphars si doux
Ses roses parfums de vieil empire
Ou ses lotus à feuilles d’hibou
Qui viennent tourmenter mes désirs
Sont-ce ses oiseaux migrateurs
Dans le fouillis de ses cheveux
Soleils au chakra de son coeur
Qui frappent au clavier de mes voeux
La nouvelle la p’tite bleue
Du guichet 102
Joue le flou dans le feu de ses yeux
Moi qui la mate un peu
Dans la fumée de ma beuh
Je me demande
Si je patauge pas dans son jeu
Sont-ce les visions de sa fêlure
Aux lèvres lilas de son spleen
Qui me font hisser la mâture
& gonfler ma voile zinzoline
Sont-ce ses doigts de chloroforme
Sur son petit castor fendu
Qui miaule à minuit pour la forme
Au rayon des fruits défendus
La nouvelle la p’tite bleue
Du guichet 102
Joue le flou dans le feu de ses yeux
Moi qui la mate un peu
Dans la fumée de ma beuh
Je me demande
Si je patauge pas dans son jeu
La nouvelle la p’tite bleue
Extrait du CD-ROM Défloration 13
à l’origine, la chanson devait s’intituler « la grosse beu du guichet 102″… (je ne sais pas comment on écrit beu dans ce cas là)…
l’idée m’est venue en sortant irasciblé d’une cité administrative où je venais de me faire mettre en pièces par une grasse employée de la fonction publique, vergéturée et ahurie qui se faisait les ongles derrière un guichet… (tout le monde connaît cette expérience)
cris de haine au départ, je décidai par lâcheté, d’en faire une chanson d’amour afin de ne pas me mettre à dos tous les fonctionnaires de l’état français…
…/…
finalement, pendant une trop longue nuit d’insomnie, je la vis arriver, belle et majestueuse entre un sol majeur et un la mineur… magnifiquement lumineuse aussi… elle avait juste changé de nom, ma nouvelle, ma p’tite bleue du guichet 102
On note aussi dans tes textes une certaine obsession pour les chiffres, avec des titres comme « Alligators 427 », « Groupie 89 turbo 6 », « Narcisse 81 », aujourd’hui « Guichet 102 »…
Les chiffres sont partout, sur les bagnoles, les camions… J’ai toujours été nul en maths, et les chiffres sont pour moi mystérieux, il y a du symbolisme là-dessous. Je fais parfois des additions pour savoir si je suis dans le 5, dans le 9, dans les 13… Ca devient poétique, une sorte d’alchimie.
Journal l’Alsace / le Pays – 21 mai 2001