Droïde song

DROÏDE SONG

(Paroles : H.-F. Thiéfaine – Musique : H.-F. Thiéfaine et Claude Mairet)

Droïde équalisé sans désir ni chaleur
Avec mes sentiments sur microprocesseurs
Parfois dans le silence obscur de mon hangar
Je déchausse mes circuits et débranche mon sonar
Bouillie d’étoiles fondues sur mes lèvres-plasma
De gargouille irradiée revenant du magma
Quand j’ai besoin d’amour ou de fraternité
J’vais voir Caïn cherchant Abel pour le plomber

Dans l’odeur des cités aux voiles d’hydrocarbure
Les rires sont des ratures qui s’attirent et saturent
Et j’y traîne en réglant ma radio-chimpanzé
Sur fréquence et mépris point zéro nullité
Cosmonaute du trottoir, éboueur en transfert
Je peins mes hiéroglyphes sur les murs des waters
Avant de m’enfoncer plus loin dans les égouts
Pour voir si l’océan se trouve toujours au bout

Droïde, droïde
Machine humanoïde
Aux chromosomes hybrides
Droïde, droïde
Carlingue anthropoïde
Coeur en celluloïd
Droïde, droïde
Regard Polaroïd
Schizoïde et bifide
Droïde, droïde
Rêvant d’astéroïdes
Acides et translucides
Libres
Attirées par le vide

Le jour où les terriens prendront figure humaine
J’enlèverai ma cagoule pour entrer dans l’arène
Et je viendrai troubler de mon cri distordu
Les chants d’espoir qui bavent aux lèvres des statues


Il y a dans vos thèmes une permanence : celle d’une société de plus en plus dépersonnalisante, mécanisée. Une vision à la William Burroughs.
C’est intuitif. Une vieille angoisse. Je ne suis pas contre le progrès, au contraire. Mais j’ai quelques doutes…
(silence)
Quand on écoute « Droïde song », c’est plus que des doutes : c’est presque du fatalisme ?
J’ai l’impression que c’est bien centralisé, que l’on bouffe bien de « la centrale »… Qu’il est de plus en plus difficile d’avoir des idées à soi, son propre jugement, son propre rythme…
Avril 1988 – Paroles & Musique n°6