SÉRIE DE 7 RÊVES EN CRASH POSITION
(Paroles et musique : H.-F. Thiéfaine)
Corbeaux neuro-taxi
Fixés au Stabilo
Sur l’écran confetti
Des cauchemars-vidéo
Parfums d’ombres peyotl
Au fond des catacombes
Avec ces bruits de bottes
Qui marchent sur ma tombe
Mais que devient le rêveur
Quand le rêve est fini ?
L’ange exterminateur
Dans une vieille Mercury
Joue du ventilateur
Devant la nurserie
Emballages de MacDo
Boîtes de bière écrasées
Aux limites du ghetto
Sur le parking brûlé
Mais que devient le rêveur
Quand le rêve est fini ?
Clavier bien tempéré
Mais voppo taciturne
Couleur d’homme écorché
Sur les murs de sa turne
Yellow cake nauséeux
Reniflant le nabab
Aux carrefours charogneux
Où pourrissent les macchabs
Mais que devient le rêveur
Quand le rêve est fini ?
Les jambes des meufs qui montent
Jusqu’à l’extrême douleur
Des vestiges de la honte
Aux moisissures du coeur
Nostalgie suicidaire
De ceux qui n’ont plus l’âge
De mourir à l’envers
Sur un porte-bagages
Mais que devient le rêveur
Quand le rêve est fini ?
La fille du cosmonaute
Explore le terrain vague
Autour du Noah’s boat
Avec un doggy bag
Son perfecto trop lourd
Sur sa robe de mariée
Dans le ronflement sourd
De l’air conditionné
Mais que devient le rêveur
Quand le rêve est fini ?
L’opéra cristallin
Du choeur des crânes rasés
Piloté par un chien
Aveugle et déjanté
Délatte au nunchaku
Mes gravures de Dürer
Pendant que je mets les bouts
Dans un cercueil à fleurs
Mais que devient le rêveur
Quand le rêve est fini ?
Amants numérotés
De 0 à 104
Coeurs polymérisés
En relief écarlate
Mycoses et staphylomes
Dans le barrelhouse
Où la danse du fantôme
Dégénère en partouze
Mais que devient le rêveur
Quand le rêve est fini ?
Les dandies androgynes
Les putains somptueuses
Les Vénus callipyges
Les chiennes voluptueuses
Les fleurs de Tijuana
Sur fonds d’oeil ecchymose
Et les secrétariats
D’état aux maisons closes
Mais que devient le rêveur
Quand le rêve est fini ?
Vous parlez de « Corbeau neuro taxi », ça ressemble à quoi ?
Attention, je ne suis pas topographe, je ne vis pas dans une science exacte, j’ai donné des propositions dès le début de ma carrière en annonçant « Autorisation de délirer ». Moi je m’autorise à jouer avec toutes les situations, les mots, les musiques, les sons. J’ai donné très vite ma partition ; donc corbeau neuro taxi, c’est dans mon oreille quelque chose qui sonne bien. Corbeau, c’est déjà une image, un symbole aussi, neuro montre bien où se ça se situe, taxi c’est le transport donc ! Un jour, j’ai commencé par écrire un roman, j’ai écrit 90 pages et c’est con, en 90 pages, il y a des tas de mots qui servent à rien, alors j’ai commencé à tailler les mots jusqu’à ce qu’il n’y ai plus que 35 pages . J’ai continué et à la fin j’ai eu deux couplets de chanson, j’ai dû travailler pour avoir un troisième couplet. Je préfère aller dans un raccourci clair, corbeau neuro taxi, qui tape, surtout quand j’ai une guitare électrique et une batterie, plutôt que de raconter que j’ai une vision noire.
Chorus n°26 – Janvier 1997