PRIÈRE POUR BA’AL AZABAB
(Paroles : H.-F. Thiéfaine – Musique : Nosfell)
L’araignée mortifère joue avec les délices
De mes vices qui sévissent au bord des précipices
Cœur monstrueux qui traîne mon âme en bandoulière
Sur un furieux passeport de méduse en croisière
Le vieux passeur gitan au large de minuit
Me fait franchir des villes au cœur sombre et meurtri
D’où je sens à travers mes harmonies brumeuses
La matière délétère, glaciale et vaporeuse
J’entends des voix étranges débordant d’indécence
Et je vois des passants pliés sous l’arrogance
Des cerveaux plastifiés sur des statues toltèques
Et des anges enchaînés violés par des évêques
Ô seigneur fou des bacchanales
Ne me délivrez pas du mal
Seigneur fou des bacchanales
Ne me délivrez pas
Une fatigue noire envahit mes paupières
Et fait trembler l’azur de mes visions guerrières
Orages oranges et rouges, magnificence obscène
Et turbulences ouvertes aux nuées souterraines
Hiéroglyphes qui se troublent, écriture entravée
Pensées incontrôlables, informations figées
Saintes images engluées dans la morve d’un dieu
Fétide et prisonnier d’un futur mis à feux
Piégé dans la gelée ambrée de mon passé
Mon esprit fracturé semble s’illuminer
Je vois des peintures fraîches au fond des catacombes
Et des Nagasaki satori sur ma tombe
Ô seigneur fou des bacchanales
Ne me délivrez pas du mal
Seigneur fou des bacchanales
Ne me délivrez pas
Les cerbères de mon âme digèrent mal mes pensées
Quand je brise la structure de ma réalité
Cartographie mentale tracée par des vampires
Aux immortelles passions sur mes éclats de rire
La dictature de l’ombre joue sur les murmures
De mes poussières de rêves et de mes joies obscures
De tous ces mots-missiles soufflés sur mes neurones
Atomisés, samplés, splittés, vides et aphones
Lèvres rouges et sensuelles brillant sous la voilette
Botticelli s’égare sur mes figures abstraites
À quoi bon m’efforcer de chanter comme Orphée
Maintenant qu’Eurydice ne me fait plus bander
Ô seigneur fou des bacchanales
Ne me délivrez pas du mal
Seigneur fou des bacchanales
Ne me délivrez pas
Un texte sans musique peut-il avoir pour vous le même impact émotionnel qu’une chanson ? Établissez-vous une hiérarchie entre les deux ?
Il ne peut pas y avoir de hiérarchie ici, car ce qu’on recherche avant tout c’est la symbiose entre le texte et la musique plutôt que la subordination. Prenez une chanson comme Prière pour Ba’al Azabab, la musique et le texte s’épousent mutuellement. Pour moi c’est l’exemple parfait de cette symbiose.
08/10/2021 – Diacritik.fr
Dans un autre registre, sur une musique de Nosfell, dont les arrangements évoquent Arcade Fire, vous vous adressez à Ba’al Azabab dans la chanson Prière pour Ba’al Azabab. Qui est-ce ?
C’est Belzébuth, il y a au moins quatorze formes d’écritures et de prononciation de son nom. J’aime bien taper dans la fourmilière. C’est un grand délire comme j’aimais les faire quand j’étais jeune. De temps en temps ça me rajeunit de jouer avec les mots et de les faire sonner comme cela. Peu importe le personnage que je joue à ce moment-là.
Effectivement, puisque vous y écrivez « Seigneur Dieu des Bacchanales, ne me délivrez pas du mal ». Est-ce une façon de dire qu’il faut accepter sa part d’ombre ?
Oui… Enfin, il faudrait donner une définition du mal et là il faudrait écrire un livre ! C’est juste que tout le monde se dit tourné vers le bien sans faire le moindre effort pour que ça soit vraiment bien et beau. Si pour être bien il faut avoir mal, allons-y.
15/10/2021 – RFI Musique