Critique du chapitre 3

CRITIQUE DU CHAPITRE 3
du livre de l’Écclésiaste

(Paroles et musique : H.-F. Thiéfaine)

…Un temps pour aimer et un temps pour haïr ;
Un temps de guerre et un temps de paix…

Et les roses de l’été
Sont souvent aussi noires
Que les charmes exhalés
Dans nos trous de mémoire
Les vaccins de la vie
Sur les bleus de nos coeurs
Ont la mélancolie
Des sols bémols mineurs

Pour un temps d’amour
Tant de haine en retour

Quelques froides statues
Aux pieds des sycomores
Rappellent un jamais plus
Avec le nom des morts
Un oiseau de chagrin
Dans le ciel assombri
Chante un nouveau matin
Sur des ruines en Bosnie
Pour un temps d’amour
Tant de haine en retour

Je visionne les miroirs
De ces vies déchirées
Maintenant que le soir
Ne cesse de tomber
Et ma colère qui monte
Et ma haine accrochée
Au-dessus de ces tombes
Où je n’ose pas cracher

Pour un temps d’amour
Tant de haine en retour

D’autres salauds cosmiques
S’enivrent à Bételgeuse
Dans les chants magnétiques
Des putains nébuleuses
L’humain peut disparaître
Et son monde avec lui
Qu’est-ce que la planète Terre
Dans l’oeil d’un rat maudit
Pour un temps d’amour
Tant de haine en retour


L’air qui a marqué votre enfance ?
Les Roses blanches, de Berthe Sylva. Ma mère m’a raconté que, dans les années 20 et 30, elle aimait se rendre sur le marché de Dole. Il y avait là un chanteur de rue qui apprenait un tas de chansons aux badauds, dont il vendait ensuite les partitions. Elle avait accumulé un paquet conséquent de ces partitions et, à la veillée, elle me berçait avec des grandes chansons tristes et réalistes comme Les Roses blanches ou J’ai perdu ma jeunesse, par Damia – elle allait très loin dans les boursouflures du cœur ! J’avais aussi droit à des choses plus légères comme Ah ! Les p’tits pois, par Mortreuil :
« Ah ! les p’tits pois, les p’tits pois, les p’tits pois / C’est un légume bien tendre / Ah ! les p’tits pois, les p’tits pois, les p’tits pois / Ça n’se mange pas avec les doigts. »

Plus tard, ces Roses blanches m’ont peut-être soufflé ma chanson Critique du chapitre 3, un titre inspiré par L’Ecclésiaste (la Bible hébraïque). Elle commence par « Les roses de l’été sont souvent aussi noires que les charmes exhalés dans mes trous de mémoire. » J’étais un gosse qui avait souvent le cafard. Je l’ai toujours, d’ailleurs. J’avais le cafard pour plein de raisons : quand ma mère s’absentait de la maison, quand je partais en colonie de vacances… Sans doute les prémices de ma vision du monde.
Telerama – 27/11/2017