LA BALLADE D’ABDALLAH GERONIMO COHEN
(Paroles et musique : H.-F. Thiéfaine)
Avec les radars de sa reum surveillant ses draps mauves
Et ses frelons d’écume froissée sur ses claviers d’alcôve
Avec ses dieux chromés, ses fusibles hallucinogènes
Et ses mitrailleurs albinos sur ses zones érogènes
C’est juste une go
Qui cache pas ses blêmes
Et qui s’caresse le placebo
Sur la dernière rengaine :
La ballade d’Abdallah Geronimo Cohen
Avec ses vieux démons, ses vieux Tex Avery sumériens
Qui hantent les hootenannies de ses métamondes souterrains
Avec l’insurrection de ses airbags sur sa poitrine
Et ses juke-boxes hurlant dans le labyrinthe de son spleen
C’est juste une go
Qui cache pas ses blêmes
Et qui s’caresse le distinguo
Sur la dernière rengaine :
La ballade d’Abdallah Geronimo Cohen
Abdallah Geronimo Cohen
Etait né d’un croisement sur une vieille banquette Citroën
De Gwendolyn von Strudel Hitachi Dupond Levy Tchang
Et d’Zorba Johnny Strogonof Garcia M’Golo M’Golo Lang
Tous deux de race humaine
De nationalité terrienne
Abdallah Geronimo Cohen
Avec ses Doc Martens à pointes et son tutu fluo
Pour le casting de Casse-Noisette dans sa version techno
Avec son casque obligatoire pour ratisser les feuilles
Tombées sur son balcon parmi ses disques durs en deuil
C’est juste une go
Qui cache pas ses blêmes
Et qui s’caresse la libido
Sur la dernière rengaine :
La ballade d’Abdallah Geronimo Cohen
Dans « La ballade d’Abdallah Geronimo Cohen », tu abordes un autre thème grave et très actuel, le racisme.
Il y a déjà la tolérance et cette autre chose qui me tient à coeur : le métissage. Il faut mélanger les sangs. A Lima au Pérou, les gens sont particulièrement beaux parce que quatre races différentes se partagent la cité. On trouve des indiens, des asiatiques, des noirs et des blancs. Ce mélange ne peut pas faire de mal à l’intelligence. Généralement les enfants incestueux, surtout à la quatrième génération, ont des chromosomes en plus ou en moins et ça ne marche plus très bien dans le cerveau. Quand le médecin Céline qui est un auteur que j’adore, parle de génétique, je ne suis plus du tout d’accord. Abdallah Geronimo Cohen, c’est ce mélange salutaire. C’est aussi dire, il y en a marre d’entendre des types d’un autre siècle, essayer de prendre le pouvoir en tentant de nous inculquer des idées odieuses.
L’Est Républicain – 06/12/1998
En déclinant des généalogies délirantes, «La Ballade d’Abdallah Geronimo Cohen» démontre par l’absurde la stupidité des théories de la race pure chères au Front national.
En fait, ce n’est pas un thème franchement nouveau chez moi. Je crois que j’en ai déjà parlé bien avant. Quand je disais «Terrien, t’es rien» dans l’album enregistré à Los Angeles, «Fragments d’hébétude». C’est un thème assez récurrent, dès mes débuts où je dis «Halte à la connerie, halte à la bêtise et halte au racisme qui est fondamentalement bête et idiot comme théorie. Le métissage est la seule chose qui va sauver l’humanité. J’ai des exemples de coins retirés en France où depuis des siècles et des siècles les gens vivent les uns sur les autres. Et bien ils ont la gueule du petit garçon dans «Deliverance», si vous voyez ce que je veux dire. Ils sont dégénérés, parce que ce sont les frères et les soeurs, lorsque ce n’est pas le père et la fille, qui couchent ensemble. Il n’y a qu’à voir la noblesse française lorsqu’elle oublie d’aller se chercher un palefrenier. On ne peut pas dire que les milieux nobles respirent la santé non plus, quand ils veulent rester entre nobles. Le sang a besoin d’être mélangé. Il n’y a rien de plus joli qu’une petite métisse qui passe. Moi, je suis troublé. En même temps, au niveau de l’intelligence, si on parle encore du siècle d’Alexandre, de la grande période grecque: qu’est-ce que c’était? La rencontre à Athènes de tous les peuples de la Méditerranée. Certains allaient très loin. Ils avaient déjà des contacts avec l’Inde, avec l’Erythrée, le Continent noir. C’était un grand mélange. Et qui a vu passer les théories de Socrate aujourd’hui ? On va être obligé de réinventer Socrate parce qu’un Socrate a dépassé Aristote et Descartes. Et il est toujours là, by Platon, bien sûr. Intellectuellement parlant, historiquement parlant, je ne peux être que pour un immense métissage. Ça va nous rendre intelligents, ça va nous rendre beaux. Ça arrivera de toute façon. J’adore les Etats-Unis, car c’est déjà ce melting-pot. On nous parle un petit peu trop des ghettos noirs à Los Angeles ou des Chinatowns. Malgré tout, il se mélangent, les gens. Avec tout ce qu’on peut reprocher aux Etats-Unis, ça reste quand même la plus grande puissance du monde. Quelle est cette puissance? Un mélange de 160 nations et de quatre races fondamentales. Alors j’espère qu’on va faire en sorte que ça recommence en France.
L’Hebdo N°25 – Juin 1998