Annihilation

ANNIHILATION

(Paroles et musique : H.-F. Thiéfaine)

Qu’en est-il de ces heures troubles et désabusées
Où les dieux impuissants fixent l’humanité
Où les diet-nazis s’installent au Pentagone
Marilyn revêt son treillis d’Antigone

On n’en finit jamais d’écrire la même chanson
Avec les mêmes discours les mêmes connotations
On n’en finit jamais de rejouer Guignol
Chez les Torquemada chez les Savonarole

Qui donc pourra faire taire les grondements de bête
Les hurlements furieux de la nuit dans nos têtes
Qui donc pourra faire taire les grondements de bête

Lassé de grimacer sur l’écran des vigiles
Je revisite l’Enfer de Dante et de Virgile
Je chante des cantiques mécaniques et barbares
À des poupées Barbie barbouillées de brouillards

C’est l’heure où les esprits dansent le pogo nuptial
L’heure où mes vieux kapos changent ma pile corticale
C’est l’heure où les morts pleurent sous leurs dalles de granit
Lorsque leur double astral percute un satellite

Qui donc pourra faire taire les grondements de bête
Les hurlements furieux de la nuit dans nos têtes
Qui donc pourra faire taire les grondements de bête

Crucifixion avec la Vierge et dix-sept saints
Fra Angelico met des larmes dans mon vin
La piété phagocyte mes prières et mes gammes
Quand les tarots s’éclairent sur la treizième lame

On meurt tous de stupeur et de bonheur tragique
Au coeur de nos centrales de rêves analgésiques
On joue les trapézistes de l’antimatière
Cherchant des étoiles noires au fond de nos déserts

Qui donc pourra faire taire les grondements de bête
Les hurlements furieux de la nuit dans nos têtes
Qui donc pourra faire taire les grondements de bête

Je dérègle mes sens et j’affûte ma schizo
Vous est un autre je et j’aime jouer mélo
Anéantissement tranquille et délicieux
Dans un décor d’absinthe aux tableaux véroleux

Mémento remember je tremble et me souviens
Des moments familiers des labos clandestins
le vieil alchimiste me répétait tout bas :
« Si tu veux pas noircir, tu ne blanchiras pas »

Qui donc pourra faire taire les grondements de bête
Les hurlements furieux de la nuit dans nos têtes
Qui donc pourra faire taire les grondements de bête

Je calcule mes efforts et mesure la distance
Qui me reste à blêmir avant ma transhumance
Je fais des inventaires dans mon Pandémonium
Cerveau sous cellophane coeur dans l’aluminium

J’écoute la nuit danser derrière les persiennes
Les grillons résonner dans ma mémoire indienne
Et j’attends le zippo du diable pour cramer
La toile d’araignée où mon âme est piégée

Qui donc pourra faire taire les grondements de bête
Les hurlements furieux de la nuit dans nos têtes
Qui donc pourra faire taire les grondements de bête

Qui donc ?

  extrait de l’album inédit : Itinéraire d’un Naufragé


« On n’en finit pas de chanter toujours la même chanson »
J’ai piqué l’idée à Léonard Cohen, qui l’avait exprimée en interview. Il dit vrai et c’est précisément cette répétition que je tente d’éviter. Mais malgré tout on tourne autour de 5 thèmes et on a ses propres obsessions. Au bout d’un certain nombre d’années d’écriture de chansons, on est toujours dans les mêmes couleurs. Je tente de contourner l’obstacle, de me bousculer. A chaque nouvel album j’essaye de casser les outils de l’album précédent . Mais sur les plans obsessionnel et humain, on ne va pas loin. C’est également vrai au plan verbal. Même si on utilise 3.000 mots, il y en a 300 qui sont nos préférés.
BSC News – 21/01/2013


Pourquoi ne pas avoir gardé l’intégralité de cet album inédit ?
Ce n’est pas une histoire artistique ni d’inspiration. C’est lourd. Sortir cet album aurait été indigeste. Je préfère le sortir par petits bouts. J’en ai encore pour l’avenir. Cela m’a également permis de conserver l’intégralité de mes émotions, de mon inspiration de remise. D’une autre vie, d’un renouveau. »
La Dernière Heure – 11/03/2011