RETOUR À CÉLINGRAD
(Paroles : H.-F. Thiéfaine – Musique : Julien Perez)
Débris d’hélices carbonisées…
Bruits des mots brûlés au phosphore…
Guignols et fééries vitrifiés
Sur la Butte à l’heure où ça mord…
Oberflicführer dans la danse…
Bignolles en transe… valsez, gamètes !…
Rastaquouères de la survivance
Qui frappent le bulleux dans sa tête !…
Pristis ! grabataires et fienteux !…
Navadavouilles et ragoteux !…
Gadouilleux caves ! morues en rade !…
Nous vlà d’retour à Célingrad !…
Gibbons motorisés tout naves
Dans les rues de Sigmaringen…
D’un château l’autre un port d’épaves
Bien germaneux Hohenzollern…
On rote son âme… de profondis !…
Dans les vapes des gaz hilarants…
La mort à crédit d’un clown triste
Ça fait bander Sartre et Vailland…
Pristis ! grabataires et fienteux !…
Navadavouilles et ragoteux !…
Gadouilleux caves ! morues en rade !…
Nous vlà d’retour à Célingrad !…
Seigneur Bébert du rigodon
C’est le temps de mettre à la vague…
Le temps de voguer sur Meudon
Loin des cachots de Copenhague…
On entend les sirènes au port…
Et les hiboux du cimetière…
Crève raisonneux ! j’veux pas qu’ma mort
Me vienne des hommes et de leurs manières…
Pristis ! grabataires et fienteux !…
Navadavouilles et ragoteux !…
Gadouilleux caves ! morues en rade !…
Nous vlà d’retour à Célingrad !…
Pristis ! grabataires et fienteux !…
Navadavouilles et ragoteux !…
Gadouilleux caves ! morues en rade !…
Nous vlà d’retour à Célingrad !…
« Alors je vous prie ! ma Statue ! mon Square ! mes Esplanades ! ma Ville ! Célinegrad ! Célingrad au fait ! »
Louis-Ferdinand Céline, Féerie pour une autre fois
LeGrizzly (samedi, 30 mai 2015 15:47)
Pour moi, ce texte est une manière de renvoyer dos à dos Sartre et Céline dans leur aveuglement commun face aux dictateurs quel que soit leur bord. En effet, Sartre (et les intellectuels communistes français dont Aragon) justifiait en toute impunité les crimes de Staline (cf. la merveilleuse chanson « Karaganda (Camp 99) ») mais applaudissaient la mort de Céline considéré comme un abominable facho : « La mort à crédit d’un clown triste / Ca fait bander Sartre et Vailland ». Seulement, qu’on admire Hitler par antisémitisme ou Staline, dans les deux cas on justifie une dictature atroce ayant déplacé et exterminé des millions de personnes de manière systématique. Alors, oui, Céline était un collabo, mais il était aussi un écrivain génial. Et tout en stigmatisant les prises de position du bonhomme, Thiéfaine rend aussi hommage à l’écrivain en réutilisant sa langue. Bel exercice de haute voltige.
Quant au final du refrain : « nous v’là d’retour à Célingrad », c’est une manière assez subtile de dire qu’aujourd’hui les intellectuels français sont aussi stupides que l’ont été Sartre et Céline puisqu’on est de retour dans une ville imaginaire qui est un mot-valise réunissant tout à la fois Céline (les fachos, les antisémites) et les staliniens (« Grad », finale qui a servi à former de nombreux de villes communistes comme Léningrad ou Stalingrad).
LeGrizzly (samedi, 30 mai 2015 15:52)
Je rajouterai que si l’URSS a fini par rentrer en guerre contre l’Allemagne nazie, elle avait d’abord signé avec Hitler un pacte de non agression. Et ce n’est que parce qu’Hitler a fini, en 1941, par rompre ce pacte en attaquant l’URSS que cette dernière a finalement rejoint, contrainte et forcée, le camp des alliés. N’oublions pas que c’est « grâce » à Staline que les Allemands ont eu droit à la division du pays avec d’un côté la RFA, démocratie occidentale et de l’autre la RDA, dictature pro soviétique (avec ses fameux Voppos qu’on retrouve dans « 113èm cigarette sans dormir »). Et c’est toujours grâce à ces mêmes communistes que les Berlinois ont eu droit, en 1961, à la séparation de leur ville en deux par le désormais trop fameux « Mur de la Honte ».