Fièvre résurrectionnelle

FIÈVRE RÉSURRECTIONNELLE

(Paroles : H.-F. Thiéfaine – Musique : Ludéal)

Sous un brouillard d’acier
Dans les banlieues d’Izmir, de Suse ou Santa-Fé
6 milliards de pantins au bout de la lumière
Qui se mettent à rêver d’un nouvel univers
Mais toi tu restes ailleurs dans un buzz immortel
A fabriquer des leurres en fleurs artificielles
Pour les mendiants qui prient les dieux et les chimères
Les trafiquants d’espoir aux sorties des vestiaires
Je t’aime et je t’attends à l’ombre de mes rêves
Je t’aime et je t’attends et le soleil se lève
Et le soleil …/…

Dans un rideau de feu
Dans les banlieues d’Auckland, de Cuzco ou Montreux
6 milliards de fantômes qui cherchent la sortie
Avec des sonotones et des cannes assorties
Mais toi tu viens d’ailleurs, d’une étrange spirale
D’un maelström unique dans la brèche spatiale
Avec autour du cou des cordes de piano
Et au poignet des clous pour taper le mambo
Je t’aime et je t’attends à l’ombre de mes rêves
Je t’aime et je t’attends et le soleil se lève
Et le soleil …/…

Dans son plasma féérique
Dans les banlieues d’Hanoï, de Sfax ou de Munich
6 milliards de lépreux qui cherchent leur pitance
Dans les rues de l’amour en suivant la cadence
Mais toi tu cherches ailleurs les spasmes élémentaires
Qui traduisent nos pensées comme on traduit Homère
Et tu m’apprends les vers d’Anna Akhmatova
Pendant que je te joue Cage à l’harmonica
Je t’aime et je t’attends à l’ombre de mes rêves
Je t’aime et je t’attends et le soleil se lève
Et le soleil …/…

Ivre de ses vieux ors
Dans les banlieues d’Angkor, d’Oz ou d’Oulan Bator
6 milliards de paumés levant la tête au ciel
Pour y chercher l’erreur dans un vol d’hirondelles
Mais toi tu planes ailleurs sur des nuages flous
Dans de faux arcs-en-ciel vibrant de sables mous
Tu chantes des arias d’espoir universel
Pour faire que le soleil se lève sur nos e-mails
Je t’aime et je t’attends à l’ombre de mes rêves
Je t’aime et je t’attends et le soleil se lève
Et le soleil …/…

Là-bas sur l’horizon
Venant d’Héliopolis en jouant Hypérion

6 milliards de groupies qui l’attendent hystériques
Dans le stade au jour j en brouillant la musique
Mais toi tu squattes ailleurs dans un désert de pluie
En attendant les heures plus fraîches de la nuit
Et tu me fais danser là-haut sur ta colline
Dans ton souffle éthéré de douceurs féminines
Je t’aime et je te veux à l’ombre de mes rêves
Je t’aime et je te veux et le soleil se lève

 


« Et le soleil ouvrit ses cils d’or sur le chaos des mondes »
Aloysius Bertrand


Si je cite votre Fièvre résurrectionnelle : « Mais toi tu cherches ailleurs les spasmes élémentaires / Qui traduisent nos pensées comme on traduit Homère », dois-je en conclure que c’est pour traduire vos pensées que vous triturez à ce point la langue française dans vos textes ?
Si jamais je récite, correctement, un passage de Shakespeare, de Walt Whitman, de Blake…. Rien que de prononcer les mots, ils sont déjà en musique. Les chanteurs américains et anglais ont quand même de la chance de pouvoir faire couler les phrases comme ça, sans faire d’effort. Ce sont des poètes réputés que je cite, mais malgré tout, même quand on entend des télévangélistes américains prêcher, ça swingue, il y a un truc. Il n’y a plus qu’à mettre la musique… En France, en français, on est quand même obligé de tordre les mots, d’utiliser des petites méthodes de trafic pour arriver à trouver un son qui puisse être chanté. Mais en plus, j’adore les mots : je vais les chercher, je les choisis, je les mets dans un ordre bien précis… Je fais de la menuiserie, je passe le rabot, je les vernis à la fin… Il y a tout un travail, et ça c’est passionnant, c’est comme la peinture : vous avez l’impression d’avoir travaillé un quart d’heure et il s’est passé cinq heures. C’est merveilleux, il y a des moments très difficiles mais je trouve que l’écriture c’est un moment magique.
Sortie de Secours – 22/11/2011


Fièvre résurrectionnelle
Je l’ai écrite à la sortie de la clinique après mon burn-out. Je venais de passer trois mois et demi à l’hôpital. Je suis dans l’enthousiasme (sans doute les médicaments qu’on m’a donnés !), je suis posé, bien pour repartir.
La Dépêche – 28/09/2018