LES OMBRES DU SOIR
(Paroles : H.-F. Thiéfaine – Musique : H.-F. Thiéfaine)
Elle dort au milieu des serpents
Sous la tonnelle près des marais
Les yeux au-delà des diamants
Qu’elle a incrustés dans ses plaies
Elle dit c’est pas St Augustin
Qui joue du violon dans les bois
Et Paganini encore moins
Ca semble étrange mais je la crois
J’ai rien entendu par ici
Depuis des siècles et ma mémoire
Au fil des brouillards et des nuits
Se perd dans les ombres du soir
Là-bas, plus loin coule une rivière
Qui nous sert de démarcation
Enfin j’veux dire pendant les guerres
Quand on a une occupation
Les spectres des morts lumineux
Se promènent la nuit sous les saules
Et ceux qu’oublient de faire un voeu
En perdent soudain leur self contrôle
On les r’trouve collés à la pluie
Depuis des siècles et ma mémoire
Au fil des brouillards et des nuits
Se perd dans les ombres du soir
J’ai vu pas mal de filles tomber
Souvent là-bas du haut du pont
Et faire semblant de se noyer
En chevauchant leurs illusions
Elle, elle me fixe tendrement
Elle caresse un aspic et dit
Rien vu de tel depuis longtemps
Oh non, rien de tel, mon ami
Pas vu de telles orgies ici
Depuis des siècles et ma mémoire
Au fil des brouillards et des nuits
Se perd dans les ombres du soir
Au souffle brumeux des vipères
Elle me montre du doigt la sphaigne
Où tritons, salamandres en guerre
Se battent au milieu des châtaignes
Tu sais déjà me murmure-t-elle
Qu’il faut séduire pour mieux détruire
Et dans un geste et des bruits d’ailes
Elle disparaît dans un sourire
Puis elle revient et me poursuit
Depuis des siècles et ma mémoire
Au fil des brouillards et des nuits
Se perd dans les ombres du soir
hm… elle joue avec ses serpents
Sous la tonnelle près des marais
Mais ses visions ne durent qu’un temps
Et le temps lui-même disparaît
Les heures se courbent dans l’espace
Et tournent autour d’un monde ancien
Où les lunes s’estompent et s’effacent
En glissant sur un flux sans fin
D’aucuns en cherchent la sortie
Depuis des siècles et ma mémoire
Au fil des brouillards et des nuits
Se perd dans les ombres du soir
« Les gens devraient réfléchir avant de se rendre à une invitation au Royaume de Nulle Part. »
Nathaniel Hawthorne
S’il y a quelqu’un qui a pu m’inspirer, c’est Marcel Aymé ! J’étais chez moi, dans le Jura. J’avais envie de puiser dans certaines légendes. Marcel Aymé vient du même coin. Je me suis inspiré des ambiances, des descriptions qu’il y a dans ses bouquins. J’ai beaucoup écrit sur le Mexique, New York, Paris – enfin pas directement, mais en traînant dans les rues de ces villes –, mais je n’avais jamais réussi à capter quelque chose de chez moi, sauf ce soir-là où je suis parti me promener avec ma guitare, et c’est venu tout seul. Quand je travaillais sur cette chanson, j’étais vraiment bien, j’avais envie que ça ne finisse plus. C’est pour ça aussi qu’elle est longue. (NdlR : 8’55”). Et puis on s’en fout, j’aime bien quand il y a du volume. J’aime la chanson de Dylan “Sad eyed lady of the lowlands” (11’23”) et surtout “Goin’ home” des Stones (11’35”). C’est comme un roman : on a plus d’intérêt pour un bon roman de 800 pages que pour un roman court, non ? On est vraiment dedans, et à la fin, ça nous marque.