LA DÈCHE, LE TWIST ET LE RESTE
(Paroles et musique : H.-F. Thiéfaine)
Tous les deux on pousse nos haillons
Dans un igloo à bon marché
Sous les toits d’une masure bidon
En compagnie des araignées
Toi tu vis ta vie d’alcoolique
Entre ces quatre murs lamentables
Moi je bricole et je fabrique
Des chansons qui sont invendables
Twiste et chante, moi je flippe
Twiste et chante, moi je flippe
On bouffe une fois tous les trois jours
Avec des boîtes de cassoulet
Qu’on arrive à panner en douce
Dans leurs superbes supermarchés
Et quand on est à bout de fric
Tu fous le camp chez les émigrés
Leur faire découvrir l’Amérique
Dans des passes non déclarées
Twiste et chante, moi je flippe
Twiste et chante, moi je flippe
Et quand je m’en vais prendre l’air
Du côté des femmes faciles
Tu te jettes sur la bouteille d’éther
Pour ton vol plané à 2000
On ne s’aime plus d’amour et d’eau fraîche
La vue de l’eau te fait hurler
Et notre amour à coups de dèche
S’est peu à peu désintégré
Twiste et chante, moi je flippe
Twiste et chante, moi je flippe
On vit comme ça par habitude
Et surtout parce que c’est pratique
De pallier la solitude
En buvant à la même barrique
Ça peut durer jusqu’à toujours
A moins que l’on ait le courage
De se dire merde un beau jour
Et de mettre fin au naufrage
Twiste et chante, moi je flippe
Twiste et chante, moi je flippe
Vous racontez vos années de « galérien » dans une chanson, « La dèche, le twist et le reste » qui fait écho à « La vie d’artiste » de Léo Ferré.
En 1971, quand je suis « monté » à Paris en sortant de la fac, avec pour seul viatique une guitare et un sac à dos, je ne pensais pas que je passerais de si longues années de galère à traîner dans les rues comme un SDF, parfois même comme un paria… Au départ, pour survivre, j’ai fait une série de petits boulots. Puis, en 1973, alors que je commençais à passer dans certains cabarets avec mon One Dog Show Comme un Chien dans un Cimetière, j’ai décidé d’abandonner tous ces petits jobs qui m’épuisaient et m’enlevaient toute mon énergie pour essayer de ne vivre que de mes chansons. Je voulais surtout avoir tout mon temps pour écrire et composer. C’est à partir de ce moment-là que j’ai commencé à plonger dans mes années les plus noires : mes rares passages en cabaret ne me permettaient pas de manger à ma faim et malgré l’aide de certains « mécènes » qui parfois m’hébergeaient, je me suis retrouvé malade avec des ganglions gros comme des œufs à l’aine et aux aisselles… Bien sûr, je n’avais pas la sécu. Je suis donc allé là où les hôpitaux étaient gratuits, c’est-à-dire ceux qui étaient spécialisés dans la recherche. On me diagnostiqua une insuffisance pondérale et des carences en protéines, vitamines, sels minéraux etc. Bref, en fait on m’apprenait que j’étais tout simplement en train de mourir de faim… au sens propre ! C’est dans ce contexte que j’ai composé « La dèche, le twist et le reste ».
10 mai 2018 – Causeur.fr