Émile Goudeau est né le 29 août 1849 à Périgueux.
En 1878, il crée au Café de la Rive-Gauche, boulevard Saint-Michel, le club des Hydropathes, un lieu libre et ouvert où tous les jeunes, qu’il soient acteurs, musiciens, poètes, amateurs de littérature et de bon vin peuvent présenter leurs œuvres face au public.
Dans la salle se mêlent étudiants et écrivains comme Léon Bloy, François Coppée, Guy de Maupassant, Charles Cros, Jules Laforgue et Alphonse Allais. Il y a aussi la bande dirigée par Allais et Sapeck qui est constamment à l’affût d’une bonne « fumisterie » pour mystifier tout le monde, à commencer par les mauvais orateurs. Le succès fut si rapide que le cercle dut émigrer de café en café avant de trouver une salle suffisante pour accueillir plusieurs centaines de personnes.
En juin 1880, Goudeau décide de dissoudre les Hydropathes. Peut-être a-t-il le sentiment que son club s’est peu à peu éloigné de son projet initial en devenant une véritable attraction parisienne.
En novembre 1881 a lieu la rencontre historique entre Rodolphe Salis et Émile Goudeau. Un mois plus tard naît au 84, boulevard Rochechouart, le cabaret du Chat Noir, dans lequel on y trouve quelques anciens Hydropathes : Alphonse Allais, Charles Cros, Léon Bloy, mais aussi le peintre Willette, les chansonniers Aristide Bruant, Jules Jouy, Jean Goudezki, les poètes Albert Samain, Maurice Rollinat, Maurice Mac-Nab, Jean Richepin, etc.
Émile Goudeau, l’inventeur de Montmartre et du café-théâtre, meurt le 18 août 1906. Reste à découvrir son œuvre, ses Poèmes parisiens, ses Poèmes ironiques -avec Charles Cros il était passé maître dans l’art d’improviser un sonnet.
L’histoire ne dit pas si son enterrement fut, tel qu’il le mystifiait lui-même, confié à la Maison Borniol dans le Chat Noir transformé en chapelle ardente…
LE VIN DE VERITE
Eh ! quoi ? Les anciens Grecs, pourtant joyeux et braves,
Logeaient la Vérité toute nue en un puits !!…
Dieux buveurs de nectar, restez exempts d’ennuis,
On sait que votre soeur habite dans les caves.
Nos pères, les Latins, nous l’ont dit par trois mots
Que l’on devrait inscrire, en or, sur les murailles :
« In Vino Veritas ! » C’est parmi les futailles
Que naît la Vérité, Venus des rouges flots.
« In Vino Veritas ! » Or, apportez mon verre
Loin des puits imposteurs, et je dégusterai
Philosophiquement, le pur, le bon, le vrai,
Me consolant ainsi que Tout mente sur Terre.
Car le buveur adopte un franc-parler joyeux
Dans la société des lucides amphores.
La Vérité lui souffle un tas de métaphores
Qui lui donnent le droit de tutoyer les Dieux.
Bientôt, loin des puits sourds, il court vers les Etoiles,
Bousculant Mars, Vénus, Neptune, Jupiter.
Seigneurial, il vogue et roule dans l’Ether,
Ayant, comme l’on dit, quelque vent dans les toiles.
Or, afin de partir de notre monde froid
Vers le Ciel, où le Vrai tout chaud se manifeste,
Le Buveur, sans fatigue, use d’un simple geste :
Il prend son verre plein, ferme les yeux, et boit…
C’est donc, ô vendangeurs, faire œuvre pie et juste
Que de cueillir, là-bas, les grappes du Soleil,
De presser en la Cuve un laitage vermeil,
Puis d’enclore le Vin dans la Futaille auguste.
La Tonne, dans la Cave obscure, abritera,
Contre l’Eau des mouilleurs abjects, la pourpre exquise ;
On fermera la porte ainsi qu’un huis d’église,
Et l’Alme vérité dans le Vin descendra.