Gérard de Nerval est né le 22 mai 1808 à Paris sous le nom de Gérard Labrunie. A la mort de sa mère en 1810, il est recueilli par son grand-oncle jusqu’au retour de son père en 1814, engagé dans la Grande Armée.
Au lycée, il s’intéresse à la littérature allemande dont il sera un excellent traducteur. A l’âge de vingt ans, il traduit le Faust de Goethe qui lui valut d’être félicité par l’auteur lui-même.
A partir de 1830, il fréquente assidûment la bohème parisienne et se lie d’amitié avec Théophile Gautier et Victor Hugo. Il côtoie également Honoré de Balzac, Hector Berlioz, Alexandre Dumas et Petrus Borel.
En mai 1841, il est victime d’une première crise d’hallucinations et de délire. Interné, il décrit cet épisode comme une expérience poétique. La nouvelle tragique de la mort de son égérie, Jenny Colon, actrice dont il était éperdument amoureux, contribue à faire germer en son esprit le désir de fuite. Il entreprend alors une visite des pays de l’Orient.
À son retour de voyage et jusqu’en 1851, il reprend ses activités de journaliste et de librettiste. Il traduit également des poèmes de son ami Heinrich Heine.
Ne m’attends pas ce soir car la nuit sera noire
& blanche, illuminée, rue de la vieille lanterne
En proie à des crises de folie de plus en plus rapprochées, il est interné à plusieurs reprises (janvier-février 1852, février-mars 1853, août 1853-mai 1854, fin 1854). Inspiré par le mythe de Mélusine : Lorely (1852), Les Filles du feu (1854) ou par celui d’Orphée et Eurydice : Les Chimères (1853), c’est pendant cette période qu’il écrit ses plus beaux livres.
On le retrouva le 26 janvier 1855, resplendissant rue de la Vieille-Lanterne, pendu à la grille d’un bouge au bout d’une corde qui est peut-être la ceinture de la reine de Saba…
« Ne m’attends pas ce soir car la nuit sera noire et blanche » sera le dernier écrit laissé par Gérard de Nerval à sa tante avant de modestement prendre congé, selon Baudelaire, « dans le coin le plus sordide qu’il ait pu trouver ».
Sa psychose maniaco-dépressive ne l’a pas empêché, entre deux moments de lucidité, de nous offrir quelques poèmes dont ce sonnet, figurant dans le recueil Les Chimères paru en 1854.
El Desdichado
Je suis le Ténébreux, – le Veuf, – l’Inconsolé,
Le Prince d’Aquitaine à la Tour abolie :
Ma seule Etoile est morte, – et mon luth constellé
Porte le Soleil noir de la Mélancolie.
Dans la nuit du Tombeau, Toi qui m’as consolé,
Rends-moi le Pausilippe et la mer d’Italie,
La fleur qui plaisait tant à mon coeur désolé,
Et la treille où le Pampre à la Rose s’allie.
Suis-je Amour ou Phébus ?… Lusignan ou Biron ?
Mon front est rouge encor du baiser de la Reine ;
J’ai rêvé dans la Grotte où nage la sirène…
Et j’ai deux fois vainqueur traversé l’Achéron :
Modulant tour à tour sur la lyre d’Orphée
Les soupirs de la Sainte et les cris de la Fée